samedi 18 septembre 2021

US OPEN de billard 2021 - Un rêve devenu réalité!

À la question "tu fais quoi dans la vie?" Je suis joueur de billard...  On ne dit pas ça, mais ça serait l'fun! Ce qui est un passe-temps pour plusieurs, un gagne-pain pour peu, occupe une grande partie de mes weekends et la majeure partie de mon temps libre... Il est donc normal de vouloir jouer contre meilleur que soi pour s'améliorer. Du moins, c'est le meilleur moyen que je connaisse. Voici donc mon aventure du USOPEN, un tournoi annuel de calibre mondial se déroulant en 2021 à Atlantic City (AC).

Par où commencer? Je crois qu'il va de soi de parler de l'expérience "Voyager en temps de COVID"....

Au moment de choisir de faire un voyage non-essentiel, il faut se demander à quel point (et à quel prix!) avons-nous envie de quitter le pays en connaissant les coûts de voyage qui s'additionnent en temps de post-pandémie, moment où on vous annonce que c'est permis par voie aérienne d'aller aux USA, mais qu'on vous prévient quand même bien qu'un test PCR au retour vous coûtera un peu moins de 300$. En ajoutant un 100$ pour le test Antigen qui vous permettra de vous envoler aux USA, on parle donc grossièrement d'un 400$ ajouté à votre séjour en avion.  Mais bon, nous sommes tellement contents, lire ici terriblement privilégiés, que nous acceptons ces conditions pour quitter le pays, même dans un contexte actuel où la date de retour était inconnue... Pour ceux qui l'ignoraient encore, la décision d'aller jouer dans le tournoi international le plus prestigieux au billard ne relevait en rien de la raison!

Direction ATLANTIC CITY au Harrah's Casino & Hotel Resort, pour une compétition internationale de billard acceuillant 256 joueurs venus des 4 coins du monde, pour le plus gros tournoi organisé des 2 ou 3 dernières années. En prime, un titre reconnu parmi les adeptes du sport comme étant l'un des plus difficiles à décrocher, ajoutant au mérite de celui (ou celle) qui soulève le trophée à la fin de la semaine! Oui-oui! On parle ici d'un tournoi "double-élimination" s'étalant sur 6 jours, du lundi au samedi, pendant lequel les gagnants et les favoris commencent à s'affronter entre eux à partir du mercredi ou du jeudi, la plupart d'entre eux ayant fait face au début du tournoi à des amateurs qui ont profité du format OPEN pour aller se mesurer aux meilleurs du sport pour la modique somme de 750$ US.  Les ex-champions du monde profitent ainsi des 2 premiers jours pour s'installer, prendre des photos avec les spectateurs et fanatiques, tentant de ne pas baisser leur garde en perdant contre un Beaurivage du Canada qui est arrivé avec une attitude de participant privilégié/amateur inconditionnel/photographe amateur imitateur de posters promotionnels.

Alex P, Judd, JJ, Alex K, Karl, Billy


DURÉE DU VOYAGE ALLER: 3h33 @ 19h03 : 16 heures, 30 minutes!

Transports utilisés: Voiture vers YUL, Navette de P5 à YUL, VOL YUL-ATL, VOL ATL-PHL, Train de PHL à Suburban Station, Autobus de PHL (suburban) à Atlantic City, Jitney de AC à l'hôtel!

Mon arrivée à l'hôtel est impressionnante! Atlantic City est un drôle d'endroit. Parfait pour parier et augmenter l'hypothèque, incompréhensible pour Ysabelle et moi, étrangers à ce monde dans lequel partager un ascenseur à 5 personnes allant à de différents étages devient la prochaine combinaison au KENO! 

Mais le tournoi débute seulement lundi AM, alors profitons de ces instants pour bien se reposer et découvrir ce que AC a à nous offrir! Débutons d'abord par l'hôtel, ses restaurants, services, cette merveilleuse piscine qui a charmé ma conjointe et qui l'a peut-être convaincue de m'accompagner dans ce voyage de "billard". Après tout, elle allait pouvoir s'y reposer et bouquiner tranquillement pendant que j'assouvissais mon appétit de côtoyer les meilleurs au monde, de les voir "en vrai", de leur adresser un "hi" en les croisant dans le lobby de l'hôtel...  Pour ceux qui l'ignorent, je vous gâche la surprise maintenant en vous disant que je n'allais pas là pour gagner le tournoi, ni pour "rentrer dans mon argent", même si ces deux conclusions auraient pu faire mon affaire, comprendre ici "changer ma vie à jamais" dans le cas de la première, puis de faire plaisir aux gens qui ne comprennent pas ma motivation profonde dans la seconde.

Des machines à sous à perte de vue, de la musique, BEAUCOUP de musique, de sons de cloches, des gagnants tirés au sort à chaque heure sur un écran géant, un salon immense où 12 écrans géants juxtaposés diffusent tous les matchs de football sur lesquels vous pouvez parier. BET355.com est partout: Des affiches, gravé sur le papier de toilette, page d'accueil du wi-fii de l'hôtel au moment de te connecter. Je vous ai dit que je n'aimais pas parier? Je vous l'annonce. PAS UN SOU dans la machine à sous...

Au moment d'écrire ces lignes, je réalise à quel point il est difficile de vulgariser un sport hyper technique, à l'écrit, sans images, pour un billet qui peut être lu par ma mère, ou par un joueur hyper analyste du jeu. Disons que puisque le premier cas est plus probable, je me contenterai de vous raconter l'expérience du tournoi au sens large, laissant de côté volontairement les aspects techniques sur lesquels mon cerveau fut hyperstimulé au cours de cette expérience suréelle!

Le tirage au sort est sorti: Tout le monde souhaite ne pas avoir trop de grands noms dans sa branche du tableau. Tous? Non... Un irréductible montréalais s'accroche encore à son rêve de jouer contre les meilleurs joueurs au monde. Je constate donc que pour y arriver, il me faudra l'emporter contre un américain peu connu (comme moi!) au premier tour pour ensuite m'opposer au grand Carlo Biado au tour suivant...!  Je jubile déjà de joie devant ce menu grandiose, ce joueur des Philippines en question étant l'une de mes idoles du sport, un de ceux de qui j'ai beaucoup appris en observant des vidéos sur YouTube*.  Il me faut avant tout l'emporter face à un certain Michael Toohig. Le plan est simple: Arriver à neuf parties remportées avant lui! (ce qu'on appelle dans le jargon une "course à 9"). Je connais un premier match presque sans faille. Mes coups sont assurés, mon timing est excellent et je demeure calme malgré mes rares manquements et ma nervosité qui est partagée par tous les nouveaux participants au début d'un tournoi de cette envergure. Psychologiquement, mon adversaire est tellement sympathique que je voudrais aller prendre un verre avec lui après le match, mais en ce moment, il est temps de se mettre en mode "You Are Not My Friend"... Je réalise ce plan à merveille et conclue le match en l'emportant 9-2.  Je passe ainsi du souhait à la réalité, j'aurai la chance de jouer contre un champion du monde! Très excité, satisfait de mon match, je croise les doigts pour jouer avec le même aplomb le lendemain...

Aller jouer au USOPEN, c'est espérer jouer contre les grands du sport. Ce moment est là, il est temps pour moi d'en profiter! 

J'arrive par l'entrée des joueurs 20 minutes avant le match, tel que demandé par les organisateurs. On vérifie que mon écusson sur mon chandail est de taille règlementaire, puis que mon adversaire est bien au rendez-vous avant de nous envoyer à notre table de jeu. L'arbitre qui s'occupera de gérer le temps nous y conduit. Vous avez bien lu! Gestionnaire du temps et des points!  Chaque table a son propre arbitre qui s'assure que les joueurs ne dépassent pas 30 secondes pour jouer leur coup, ce qui améliore considérablement la qualité du spectacle pour la foule, en plus de constituer un avantage pour les joueurs comme moi qui ont tendance à trop réfléchir avant de jouer! **  Je marche derrière une idole, me refusant un peu de marcher à ses côtés par admiration, comme si je m'interdisais de le dépasser, mais aussi par envie de mimétisme, comme pour voir et apprendre comment on fait, avec quelle démarche, quelle vitesse, et quelle interaction avec la foule lorsqu'on est connu... En ce moment, rien de ça n'a vraiment d'importance. J'ai 2 minutes pour pratiquer et voir comment réagit la table qui nous a été octroyée. Les conditions de jeu sont les plus belles que j'ai eu la chance de rencontrer. La table joue à merveille et je me sens confiant d'y livrer un match à la hauteur de mes capacités. Lorsque l'arbitre m'annonce que mon 2 minutes est terminé, un seul remord me passe en tête... Je n'ai pas pratiqué mon aller-retour, coup hyper important qui dicte lequel des 2 joueurs bénéficiera du premier bris dans le match!  Après avoir serré la main molle d'un Biado qui aurait préféré cogné le poing contre un étranger, je perd l'aller-retour et vais m'asseoir pour être témoin de ce début de match, l'initiative étant entre ses mains! 

Casse-vide... 1-0... casse-vide... 2-0... casse-vide... 3-0... casse-vide... 4-0 !  Je vous rappelle que c'est une course à 9. Me voici presqu'à mi-chemin, n'ayant toujours pas eu la chance d'utiliser mes baguettes! Voici ma chance, il ne voit pas la 1 après le bris de la 5e game et fait un push-out pour me forcer à sauter. Je décline cette tentation du diable à sortir la blanche de la table et j'opte plutôt pour un coup par 2 bandes qui s'en suit d'un échange défensif qui terminera en ma faveur. Je fais 5-1. Je remporte aussi la partie suivante suite à un autre échange défensif gagné. 5-2. Ensuite... c'est flou à ma mémoire. Je me rappelle de quelques coups, mais pas de tout. Je vis un instant magique. Un moment pendant lequel j'ai la confirmation que mon idole n'est plus. Il prend des décisions qui ne sont pas les bonnes. Il est temps pour moi d'arrêter de tenter de faire comme lui et de faire confiance à mes décisions... Je lui ai arraché 5 des 6 échanges défensifs qui auraient du se conclure par 5 ou 6 parties gagnées de mon côté et une chance de gagner. À la place, la pression m'a fait prendre UNE mauvaise décision, celle d'attaquer la 6 un peu trop fort, au lieu de jouer cross-coin avec une intention de coup double. Si je ne répètes plus cette erreur, ça en aura valu la peine...   Le match est terminé. J'ai perdu 9 à 3 en jouant TRÈS BIEN. Difficile à conceptualiser pour certains qui ne connaissent pas le jeu du 9, mais c'était plutôt serré!  J'ai eu plusieurs pensées pendant ce match pour mon coach, Alain Martel, qui m'a initié au jeu des bandes et sans lequel je n'aurais pas fait aussi bonne figure dans ce match!  En plusieurs occasions, j'ai reconnu des exercices que j'avais mis de côté au profit d'une pratique plus orientée vers le jeu.  Les prochaines semaines seront orientées vers le rattrapage de cette erreur. 

*** SPOILER ALERT AHEAD ***

 


CARLO BIADO

CHAMPION USOPEN 2021 !!!


Tournoi double élimination veut donc dire une seconde chance, un côté perdant là où l'erreur n'est plus permise, une 2e vie qu'il faut vivre pleinement au lieu de se contenter d'être en vie. J'ai pêché mon père. J'ai été incapable de sortir du rêve que je venais de vivre en affrontant Biado avec une performance au delà de mes attentes. J'ai été incapable de faire la transition entre la grande satisfaction/extase qui m'habitait et l'urgence de bien faire les choses simples pour remporter mon prochain match. Les petites erreurs se succédaient et une partie de moi se disait: C'pas grave, t'as tellement bien joué tantôt!  L'instinct du tueur n'était plus... Mon avance de 5 (ou 6) à 1 a fondu comme une crème glacée à Chertsey au chalet.***  Une petite distraction sur la table d'à côté est devenue l'excuse parfaite pour laisser fuir le peu de concentration qu'il me restait. Quelques instants plus tard, je m'inclinais 9 à 7 sur un 3 fautes, l'une des plus rares insultes qu'un joueur habile par les bandes puisse subir! C'était la fin de mon USOPEN...  2e défaite, merci ciao bye!

Dire que j'ai bien profité de ces instants "IS A UNDERSTATEMENT" (merci de m'écrire en privé vos idées pour une traduction en français)... Chaque jour a amené son lot de surprises, de belles rencontres, d'anecdotes avec la madame qui contrôlait l'entrée des joueurs, avec le gars qui était responsable des chandails de l'événement, etc!  Partager cette expérience avec ma copine qui m'a supporté tout ce temps, qui m'a encouragé à aller voir les matchs que je désirais aller voir, qui a gardé le sourire malgré sa décision de boycotter la piscine, qui m'a aidé à me tirer du lit pour aller courir sur le tapis roulant tous les matins pour débuter ma journée... Elle qui a su trouver les mots pour me rassurer, me donner confiance, me laisser savoir qu'elle était sans mot...  Elle qui a démontré un grand enthousiasme a faire partie d'un plan qui n'était pas le sien, un projet vacances qui ne laissait pas beaucoup de place à autre chose qu'un rôle de support. Merci Ysa! xx

Et puisque les remerciements ont débuté, il me faut saluer les gens du Québec, joueurs de billard ou pas, famille, amis, qui m'ont supporté dans ce voyage extravagant et enrichissant! Grâce à vous tous, j'ai eu l'impression que c'était mon anniversaire sur Facebook pendant 4 jours en ligne! :)

Le retour vers Montréal a été bien avant le jour ultime de la finale prévue pour le samedi... (aujourd'hui!) En fait, la recherche d'un test PCR nous a fait dévier vers Philadelphie afin de faire d'une pierre deux coups. Nous allions repartir de cet aéroport, alors aussi bien y trouver un test covid accepté pour rentrer au Canada, ce que l'aéroport nous fournissait! Ces dernières 24 heures furent une belle opportunité pour conclure cette aventure dans un décor enchanteur et une ville où l'architecture est époustouflante! 

 

Respirer l'air frais, aller courir dehors...

Manger dans un p'tit resto au coin de la rue... 

Revenir à l'hôtel et se prendre un bon café en bonne compagnie... 

Le retour des petits plaisirs!!!

Rentrer à la maison la tête pleine, mais haute... 

Ne rien regretter...

Réfléchir à la suite...

Compter ses bénédictions...


 

 

Atlantic city, tu es loin comme ville de m'avoir séduit! Mais l'expérience vécue chez toi restera parmi les plus belles de ma vie. Merci!


*Oui, la pratique maladive et intensive du billard requiert d'observer les meilleurs pour apprendre d'eux. Je vous propose d'ailleurs cette même approche pour obtenir une promotion au travail ou encore élever un enfant...

** Si ma blonde le dit, c'est vrai!

***C'était pas beau, je vous le dis! #humiliant